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L’OPPOSITION JOUE LOCALES

On n’y est pas encore, mais les prochaines Locales suspendues aux conclusions du dialogue politique pourraient donner une idée de ce que seront les Législatives ou la Présidentielle de 2024. En attendant, les camps de l’opposition s’affrontent à distance et par affinités. Parce que deux choses ont fait bouger les… choses : la libération de Khalifa Sall et les retrouvailles Macky-Wade.

Tout part d’une petite flamme. Et tout se transforme. La Présidentielle a été un baromètre pour les uns et les autres. La recomposition politique était très attendue. Alors, sans Karim Wade et Khalifa Sall, Macky Sall en sort vainqueur dès le premier tour. Les adversaires étaient peut-être faibles ou c’est le Peuple qui avait voulu lui renouveler sa confiance. Mais dans tous les cas, le cumul des quatre candidats de l’opposition n’a pu le mettre en ballotage. Idrissa Seck et sa forte coalition n’ont pu enregistrer que 20%. La deuxième fois, après 2007 (15%), qu’il se rapproche du fauteuil présidentiel. Et Ousmane Sonko, la révélation du scrutin (17%), était le Moustapha Niasse de 2000, même score et 3ème derrière respectivement Diouf et Wade, mais en l’absence d’un second tour, il ne pouvait prétendre être faiseur de roi. Il est vrai que les contextes ne sont pas les mêmes puisqu’en 2007, le leader de Rewmi, sorti de prison, avait des concurrents dans l’opposition. Qui n’étaient pas des moindres. Il descendra donc de moitié en 2012. Parce qu’entre-temps, l’opposition réunie au sein de Front siggil senegaal, puis de Benno siggil senegaal, avait réussi à avoir une dynamique unitaire, aidée par le crédit des Assises nationales. Une bonne ordonnance qui avait permis à Moustapha Niasse, Tanor, Bathily, Dansokho et autres de retrouver la santé et d’affronter Abdoulaye Wade et ses alliés qui ne se sont jamais remis de leur convalescence des Locales de 2009. Résultat : Le régime libéral perd le pouvoir local, parce que mis en minorité dans les grandes villes à fort électorat. Les prémices de la perte du pouvoir, le vrai, étaient là.

L’improbable formule de Bss en 2009

Au lendemain de la Présidentielle de 2019, Macky Sall a été réélu dès le premier tour, comme Wade en 2007. Une victoire contestée également par les candidats malheureux qui en sont groggy. Beaucoup pensaient que la formule de l’opposition en 2007 allait être calquée par Idrissa Seck, Sonko, Madické Niang, Issa Sall, Sonko et leurs alliés.

Pourtant, le Front de résistance nationale (Frn) pouvait être cette plateforme idéale pour faire face à Benno bokk yaakaar aux élections territoriales. C’est encore possible, mais les faits et gestes de cette opposition ne semblent pas converger dans le sens du «tous contre Macky». Et le dernier acte posé hier par le cadre de concertations en gestation est la preuve éloquente que l’opposition réunit, au contraire, toutes les conditions d’une division qui ne pourrait faire que l’affaire de la majorité présidentielle.

La seule chose sur laquelle cette opposition s’accorde, c’est sa participation au dialogue, notamment politique. Remarque : Seul le Pds n’y participe pas, mais à l’issue de l’audience au Palais entre son leader et le chef de l’Etat, le parti libéral devrait rejoindre la table des concertations. C’est justement ce rapprochement presqu’inattendu qui fait bouger les différentes compositions de l’opposition.

D’abord, Ousmane Sonko, qui avait pourtant des atomes crochus avec Wade, semble avoir pris ses distances avec celui qu’il considère comme «le meilleur Président que le Sénégal ait connu». C’est que le jeune a été victime d’une surprise du «Vieux» qui a préféré un rapprochement avec l’«ennemi» : Macky Sall.

Sonko repart à part

Le leader de Pastef s’éloigne également des autres «politiciens professionnels» et poursuit son solo. N’est-ce pas, dit-on, il n’a pas été associé à ce cadre de concertations de Idy et Cie ?

Cette logique solitaire lui a tout de même valu ses 600 mille voix en février dernier. Enorme pour un néophyte politique ! Mais la Présidentielle est une élection, et les Locales en sont une autre.

Il a le défi de la confirmation, la chose la moins évidente. Mais le leader de Pastef ne peut pas se passer des alliances, même contre-nature. Dans le Sud, son fief qu’il a conquis lors de la Présidentielle, il croit y régner sans partage.

Mais en politique, rien n’est jamais gagné d’avance. Peut-être que dans les autres collectivités territoriales, il s’emploiera à faire «preuve d’une grande capacité d’organisation et d’ouverture» comme il l’avait conseillé à ses militants lors de sa première conférence post-Présidentielle en début mars dernier. Le plus gros risque pour lui se trouve dans les autres collectivités.

Idy-lle continue avec Khalifa ?

A Dakar, fief de Khalifa Sall qui soutenait Idrissa Seck, Sonko a réussi un marquage à la culotte avec le leader de Rewmi. Aujourd’hui que l’ancien maire de la capitale est libre, le rapport de forces peut changer. Même si tout dépendrait de la réhabilitation du leader de Taxawu Dakar par une amnistie.

Dans tous les cas, sauf surprise, Seck, Sall, Gakou devraient reconduire leur coalition comme aux dernières Législatives. C’est une question de survie politique.

D’autant plus que Khalifa Sall a perdu entre-temps beaucoup de ses élus (Alioune Ndoye, Jean Baptiste Diouf, Ousmane Ndoye, Banda Diop…) et ne s’aventurerait pas à jouer la carte de l’excès de confiance qui lui a coûté cher puisqu’il a perdu les 7 sept députés de Dakar.

Et puis, si Idrissa Seck lui-même est arrivé 2ème dans la capitale, c’est bien en grande partie grâce aux «Khalifistes».

Cette alliance Seck-Sall à Dakar semble d’autant plus plausible que le second, emprisonné et révoqué de la mairie et de l’Assemblée, piaffe d’impatience pour prendre sa revanche en récupérant son «machin» acquis de la haute lutte de 2014.

Et ce n’était pas évident. Seck et Gakou l’avaient choisi comme tête de liste au détriment de Wade. Il leur a rendu la monnaie à la Présidentielle en votant pour Idy2019. Et peut-être bien, pour Dakar en tout cas, il pourrait y avoir un autre retour de l’ascenseur. Mais ce n’est pas une garantie.

Wade et la légitimation de Karim

Comme Khalifa Sall, le Pds qui n’a pas participé à la dernière Présidentielle est condamné à assurer sa séance de rattrapage. Mais les retrouvailles entre Macky Sall et Abdoulaye Wade n’offrent pas une meilleure lisibilité.

L’épisode du Comité des droits de l’Homme des Nations unies et le rejet de toute réhabilitation de Karim Wade semblent mettre un coup de frein à la réconciliation effective entre Wade et Sall. Ce «K» reste donc entier pour les Libéraux qui devront espérer une amnistie en faveur de Wade-fils.

Mais contrairement à la Présidentielle, c’est moins la personne de Karim que la résurrection du parti qui devrait être l’enjeu.

Même si, sur la base du consensus obtenu par le dialogue politique, désormais, le maire de la commune ou de la ville et le président du Conseil départemental sont élus au suffrage universel direct.

L’exilé de Doha rêverait tout de même de contrôler une collectivité après l’échec de 2009 pour au moins «légitimer» sa promotion récente au sein du Secrétariat national du Pds.

Puisqu’en réalité, dans ses attributions et au-delà de la préséance, il est plus qu’un numéro 2. Le véritable défi pour Wade et son parti, c’est de prouver à Idrissa Seck qu’à Touba, il n’était que la souris qui dansait parce que le chat n’était pas là.
Le Quotidien 

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