NOMINATION SUSPENDUE D’AMINATA MBENGUE NDIAYE A LA TETE DU HCCT : LA RECULADE DU REGIME
La loi constitutionnelle n° 2016-10 du
05 avril 2016 a institué le HCCT (Haut Conseil des collectivités
territoriales). Le HCCT comprend 150 membres (hauts conseillers)
désignés pour un mandat de 5 ans. 80 membres sont élus au suffrage
indirect (scrutin majoritaire départemental) selon les modalités
définies par le code électoral, et 70 membres sont nommés par le
Président. La décision du Conseil Constitutionnel N°2/E/2016 dresse la
liste complète des 80 hauts conseillers élus le 04 septembre 2016, ainsi
que leurs suppléants. Feu Ousmane Tanor Dieng était élu sur la liste de
M’Bour.
LISTE DE MBOUR
ELUS
SUPPLEANTS
Ousmane Tanor DIENG
Mamadou MBENGUE
Kany SAGNA
Khadidiatou DIOUF
Gana Ndebe GNING
Sélé NDIAYE
La particularité du statut du défunt
Ousmane Tanor DIENG est qu’il était un haut conseiller élu (sur la liste
de MBOUR) avant d’être nommé par décret présidentiel, à la tête du
HCCT, en vertu des dispositions de l’article 5 de la loi organique N°
2016-24 du 14 juillet 2016 relative à l’organisation et au
fonctionnement du HCCT. Suite au décès d’Ousmane Tanor DIENG, le poste
vacant de Haut Conseiller dont le mandat est de 5 ans doit être pourvu
par son suppléant M. Mamadou MBENGUE. En aucun cas, Aminata MBENGUE
NDIAYE ne peut intégrer la liste des élus du HCCT, car elle ne figure ni
sur la liste des élus, ni sur celle des suppléants. Après avoir annoncé
en grandes pompes la nomination d’Aminata MBENGUE NDIAYE comme nouvelle
Présidente de l’Institution et précisé que le décret avait même été
signé (quasiment toute la presse sénégalaise, y compris la radio Futurs
médias en ont fait état), le régime de Macky SALL qui viole
régulièrement la loi en matière de nominations, semble avoir fait
machine arrière. Ils ne disent plus : Aminata Mbengue NDIAYE est nommée,
mais « en voie de nomination, pressentie ou … en cas de nomination ».
Un glissement sémantique qui en dit long sur le pataquès lié à cette
nomination non effective à ce jour. L’affaire du Président du Conseil
Constitutionnel (le décret de nomination n°2016-1222 du 12 aout 2016 de
Papa Oumar Sakho, non publié) et la nomination ratée du Directeur
Général de l’IPRES contraignent désormais le régime à surveiller ses
bases arrières.
Pour qu’Aminata Mbengue NDIAYE, puisse intégrer le
HCCT, il faudrait déjà qu’elle soit nommée Haut Conseiller. Elle devra
préalablement figurer sur la liste des 70 hauts conseillers désignés
(seule liste pour laquelle Macky SALL dispose du pouvoir de nomination,
car les autres hauts conseillers sont élus au suffrage indirect pour 5
ans). Le nombre total de hauts conseillers étant de 150 (80 élus et 70
nommés), une nomination d’Aminata MBENGUE NDIAYE implique qu’il y ait un
haut conseiller parmi les 70 nommés par Macky Sall qui est, soit
décédé, soit démissionnaire (ou poussé à la démission par Macky Sall),
soit remplacé. En tout état de cause, Aminata MBENGUE NDIAYE ne peut
être nommée qu’à la place d’un de ces hauts conseillers.
Une fois
nommée dans le quota présidentiel des 70 hauts conseillers, en
remplacement d’un haut conseiller, il faudrait qu’elle soit à nouveau
nommée Présidente du HCCT. Pour Aminata MBENGUE NDIAYE, devenir
Présidente du HCCT suppose une double nomination (une nomination pour
intégrer le HCCT en qualité de Haut conseiller et une nouvelle
nomination à la tête de l’institution). La question qui se pose est de
savoir si une double nomination ne pose pas un problème de légitimité.
Car,
si l’article 5 de la loi organique N° 2016-24 du 14 juillet 2016
dispose que « Le Président du Haut Conseil des collectivités
territoriales est nommé par décret et qu’Il est mis fin à ses fonctions,
dans les mêmes formes », tout le monde a constaté que le 1er Président
du HCCT (le défunt Ousmane Tanor DIENG) était élu sur la liste de
M’BOUR. Le parallélisme des formes voudrait que son successeur à la tête
du HCCT soit un élu (parmi la liste des élus publiée par le Conseil
Constitutionnel le 14 septembre 2016). Feu Ousmane Tanor DIENG a été élu
au suffrage indirect, avant d’être nommé à la tête du HCCT par un
décret présidentiel. Prenons l’exemple du Sénat dissous qui présente des
similitudes avec le HCCT (les membres sont élus au suffrage indirect) :
on constate que le Président du Sénat était élu au scrutin uninominal à
la majorité des suffrages exprimés (Pape DIOP avait été élu Président
du Sénat, en obtenant 99 voix sur 100). Enfin, la répartition du nombre
de hauts conseillers qui accorde un poids plus important aux élus est
loin d’être neutre : 80 élus et 70 nommés. Ce n’est pas un hasard si le
décret n°2016-1639 du 20 octobre 2016, portant nomination du défunt
Président du HCCT, Ousmane Tanor Dieng comporte un visa libellé comme
suit : « Vu la décision N°2-E-16 du 14 décembre 2016 du Conseil
Constitutionnel…». Une légitimité qui porte l’empreinte de l’élection.
Au
vu des éléments précités, pour être un Président du HCCT disposant
d’une légitimité incontestable (3éme institution dans l’ordre
protocolaire, après la Présidence de la République et l’Assemblée
nationale), 2 critères doivent être réunis : le critère de l’élection
(être élu sur une liste) et celui de la nomination (par décret
présidentiel).
Parce que Aminata Mbengue NDIAYE ne remplit pas le
critère de l’élection (elle n’est élue sur aucune liste, et ne peut, ni
intégrer la liste des 80 élus ou des suppléants, ni terminer le mandat
de 5 ans de feu Ousmane Tanor DIENG qui revient au suppléant M.Mamadou
MBENGUE ), elle n’est pas légitime pour présider le Haut Conseil des
Collectivités territoriales.
Le retard concernant la nomination
d’Aminata Mbengue NDIAYE n’est pas lié à un quelconque réaménagement de
l’attelage gouvernemental (une communication mensongère pour brouiller
les pistes), mais à la difficulté de justifier la pagaille juridique et
le désordre institutionnel (aujourd’hui l’ex président du HCCT est élu
au suffrage indirect (avec une légitimité électorale), avant d’être
nommé, et demain, le Président du HCCT est doublement nommé : nommé
comme Haut Conseiller et nommé comme Président (le fait du Prince qui en
fait une marionnette).
Décidément, avec le régime de Macky SALL, les sénégalais auront tout vu !
Seybani SOUGOU – E-mail : sougouparis@yahoo.fr