PLAINTE DE MAMOUR DIALLO CONTRE SONKO POUR « DIFFAMATION ET INJURES PUBLIQUES » : UN DELINQUANT N’A AUCUN HONNEUR A DEFENDRE, SA PLACE EST EN PRISON (PAR SEYBANI SOUGOU)
Dans l’affaire des 94 milliards de francs CFA qui défraie la chronique,
Mamour Diallo, du nom de l’inspecteur des domaines a déposé une plainte
contre l’homme politique Ousmane SONKO le 15 octobre 2019, au Tribunal
de Grande Instance de Dakar, pour « diffamation et injures publiques ».
Aux termes des dispositions de l’article 258 du Code Pénal de la Loi
2016-29 du 8 novembre 2016 modifiant la Loi 65-60 du 21 juillet 1965
portant Code Pénal de la République du Sénégal, la diffamation est
définie comme suit : « Toute allégation ou imputation d’un fait qui
porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du
corps auquel le fait est imputé est une diffamation ». La diffamation,
c’est le fait de nuire à une personne en lui imputant des agissements ou
des propos infamants, de nature à porter atteinte à son honneur ou sa
réputation. La diffamation doit être dissociée de l’injure qui est une
expression outrageante. Dans la plainte de Mamour Diallo (nous avons
pris connaissance de son contenu,) ses avocats soutiennent que les
affirmations d’Ousmane SONKO sont « diffamatoires, injurieuses, et
impactent négativement la vie de l’exposant ainsi que celle de sa
famille ».
1. Mamour Diallo est un homme public, investi d’une mission de service public
Il
est de notoriété publique, que Mamour Diallo, en sa qualité
d’Inspecteur des impôts et domaines est investi d’une mission de service
public (garant des deniers publics). Mieux, Mamour Diallo est un homme
public parfaitement identifié, membre du parti au pouvoir (APR) qui
affiche ouvertement son appartenance au camp présidentiel. Mamour Diallo
est non seulement le leader du mouvement « Dolly Macky », un mouvement
politique de soutien à Macky Sall, mais qui plus est, il dispose d’un
site officiel (blog) lui permettant de véhiculer, en toute liberté, ses
opinions politiques : https://mamour-diallo.com/. Mamour Diallo n’est
pas censé ignorer qu’en investissant le champ politique, il s’exposait
en tant qu’homme public, aux critiques les plus véhémentes. Surtout
lorsqu’il s’adonne à des pratiques de délinquance financière dans le
cadre de ses fonctions publiques. Par conséquent, Mamour Diallo ne
devrait guère être surpris, que sa mauvaise gestion des deniers publics
soit décriée et portée sur la place publique. Dans le cas d’espèce, la
plainte pour diffamation de Mamour Diallo est fragile : pour la simple
raison qu’il n’y a pas une intention de nuire de la part d’Ousmane
SONKO.
2. En matière de diffamation, l’auteur des propos doit avoir eu l’intention de commettre un tel acte
En
matière de diffamation, l’auteur des propos diffamatoires doit avoir eu
l’intention de commettre un tel acte, c’est à dire qu’il doit avoir agi
en toute mauvaise foi. Dans l’affaire des 94 milliards de F CFA, SONKO
n’a pas mis en cause Mamour Diallo, en tant qu’homme, mais sa qualité
d’ancien Directeur des Domaines. C’est une différence de taille et un
élément substantiel, car le juge devra apprécier en tout état de cause
l’intention de nuire. L’intention de SONKO n’est pas de nuire
personnellement Mamour Diallo, mais d’informer les citoyens sénégalais
de faits délictuels qui portent atteinte à l’intérêt général. N’importe
qui à la place de Mamour Diallo (que le Directeur des domaines s’appelle
Mamadou ou Bineta) serait mis en cause par SONKO. C’est parce que
l’intentionnalité du délit de diffamation est difficile à établir avec
certitude, l’ancien ministre de l’Environnement, Ali EL Haïdar, a été
condamné en aout 2018, par le tribunal correctionnel de Dakar à 3 mois
de prison avec sursis pour « diffamation » et 2 millions de F CFA
d’amendes. Il avait cité le président des exploitants forestiers
sénégalais, parmi les « trafiquants de bois » au Sénégal. Naturellement,
M. Haidar n’a pas été privé de ses droits civils et politiques.
3. Maître El Hadj DIOUF n’est pas crédible pour défendre la plainte de Mamour Diallo, pour diffamation
En
matière de diffamation, il n’y a pire accusation que celle d’être
assimilée à un terroriste. A la veille des présidentielles de 2019,
Ousmane SONKO a été accusé par plusieurs responsables du parti au
pouvoir de terroriste (une accusation mensongère d’une extrême gravité).
L’actuel avocat de Mamour Diallo, Maître El Hadj Diouf avait
publiquement affirmé qu’Ousmane SONKO était un terroriste et un
djihadiste. Ses propos de l’époque ne souffrent d’aucune ambiguïté « Ce
fou qui se dit inspecteur, est un imposteur qui raconte n’importe quoi.
Il passe tout son temps à mentir, mentir, mentir. Il a menti jusqu’à
être renvoyé de son poste. D’ailleurs, j’ai entendu qu’il est un
terroriste. C’est même un terroriste, un djihadiste”, avait-il précisé.
L’avocat Maître El Hadj Diouf avait-il conscience que ses affirmations
étaient « diffamatoires, injurieuses, et impactent négativement la vie
de SONKO ainsi que celle de sa famille ». Pouvait-il ignorer que ses
propos relèvent de la diffamation ? Savait-il que quelques mois plus
tard, on pourrait lui retourner ses propos, tel un boomerang ? Au
demeurant, Maître El Hadj Diouf est -t-il crédible pour porter la
plainte de Mamour Diallo pour diffamation, ayant lui-même diffamé
publiquement SONKO en lui attribuant le qualificatif de terroriste ?
Entre le qualificatif « terroriste » et celui « d’escroc et de voleur »,
qu’est ce qui est plus grave, en termes de diffamation ? Dans un
registre similaire, de nombreux sénégalais ont constaté ces dernières
années les nombreuses attaques frontales dont le journaliste Pape Alé
Niang est victime, certaines touchant directement sa vie privée (il est
père de famille) et portant atteinte à son honneur et à sa réputation.
Si le journaliste Pape Alé Niang et tous les honnêtes citoyens
sénégalais devaient déposer une plainte contre tous les partisans du
régime qui ne cessent de les diffamer à longueur de journée, les
tribunaux sénégalais crouleraient sous les plaintes, par milliers ! Qui
ne se rappelle pas de la « horde des flagorneurs » du journal le Midi de
Ndiogou Wack SECK, un journal financé pendant de 3 années par Macky
SALL himself pour injurier et diffamer sans ménagement des milliers de
citoyens ? Ndiogou Wack SECK, un piètre journaliste, récompensé pour ses
basses œuvres par Macky Sall qui l’a nommé PCA de la RTS en 2013 ! Qui
l’eut cru ?
4. Les textes internationaux conçoivent la diffamation, sous l’angle de la restriction de la liberté d’expression
En
France, lorsqu’il était garde des sceaux, François Bayrou, avait été
mis en examen suite à une plainte pour « diffamation publique » déposée
par une association. Lors d’une séance publique il avait mis en doute
l’honnêteté de ladite association, estimant qu’elle voulait « se faire de
l’argent sur une expérience artistique ». La 17 éme chambre du Tribunal
correctionnel de Paris a relaxé M. BAYROU, concluant qu’à aucun moment,
il ne s’était rendu coupable de diffamation envers ladite association.
Dans les cas de diffamation ou d’injure publique, les juges pénaux
apprécient différemment (de manière très nuancée) la situation, surtout
quand elle concerne les élus, détenteurs d’un mandat. A titre d’exemple,
un article publié accompagné d’un dessin humoristique qui critiquait le
montant excessif des frais de véhicules utilisés par les « proches »
d’un maire n’a pas été considéré comme insinuant un détournement de
fonds publics, ni comme portant atteinte à l’honneur et à la
considération du maire. Ils s’inscrivaient entièrement, selon le juge, «
dans le cadre de la polémique politique nécessaire à la démocratie »
(CA Aix-en-Provence, 17 septembre 2007, n°1143M2007). A plusieurs
reprises, le Député Jean Luc Mélenchon a fait l’objet d’une plainte pour
diffamation et d’une demande de levée d’immunité parlementaire (1
plainte pour diffamation pour avoir traité un journaliste d’assassin et
criminel repenti » ; et 1 plainte pour diffamation de l’ancien Premier
Ministre, M Bernard Cazeneuve, qu’il a accusé de s’être « occupé de
l’assassinat » de Rémi Fraisse « un militant écologique ». En France,
personne ne se pose la question de savoir si Jean Luc Mélenchon va être
éliminé des prochaines élections présidentielles, à cause de plaintes
pour « diffamation » ! Il n’y a qu’au Sénégal, où un tel débat ridicule
peut prospérer. Ce qui est pris en compte par le juge « c’est l’objectif
d’information du public dans le cadre du débat politique et
démocratique à condition que l’information n’ait pas été dénaturée et
qu’elle concerne l’activité publique de la personne mise en cause, en
dehors de toute attaque contre sa vie privée » -CA Montpellier, 25 avril
2007. La position de la Cour Européenne des Droits de l’Homme est
similaire. La CEDH juge qu’au nom de la liberté d’expression, le juge
pénal doit apprécier si les personnes poursuivies sont 1) des élus du
peuple qui doivent pouvoir attirer l’attention de l’électorat et
défendre ses intérêts – CEDH, 24 avril 2007, Lombardo c. Malte,
n°7333/06 2) si la personne visée par les propos est un responsable
politique- CEDH, 8 juillet 1986, n°9815/82, Lingens c/Autriche 3) si les
propos tenus contribuent à un débat d’intérêt général – CEDH, 24 juin
2004, n° 59320/00 – Von Hannover c/Allemagne.
En 2013, la Cour
Africaine des Droits de l’homme et des peuples a rendu un arrêt dans une
affaire de diffamation « affaire 004- 2013 – LOHE ISSA KONATE c.
BURKINA FASO ». Dans cette affaire, des poursuites pour diffamation,
injures publiques et outrage à magistrat avaient été engagées contre le
requérant, suite à la publication dans l’édition de l’ouragan du 1er
aout 2012, d’un article écrit par ledit requérant intitulé « Contrefaçon
et trafic de faux billets de banque – Le Procureur de Faso, 3 policiers
et un cadre de banque parrains des bandits ». Un second article
traitait le Procurer de Justicier voyou. Mis en cause dans les 2
articles précités, le Procureur avait porté plainte contre le requérant
pour diffamation, injures publiques et outrage à magistrat. Le 29
octobre 2012, le requérant avait été condamné par le tribunal de Grande
Instance de Ouagadougou à 12 mois d’emprisonnement ferme et à une amende
de 1 500 000 F CFA. A l’unanimité, les juges de la Cour africaine des
droits de l’homme et des peuples ont conclu qua l’Etat burkinabé avait
violé l’article 9 de la charte, l’article 19 du pacte et l’article 66
(2) (c) du traité révisé de la CEDEAO, du fait de l’existence dans sa
législation de peines privatives de liberté en matière e diffamation.
5. Ousmane SONKO a posé un débat public, sur une question d’intérêt général
En
posant publiquement le débat sur un préjudice évalué à 94 milliards de F
CFA (manque à gagner pour l’Etat du Sénégal), Ousmane SONKO a eu le
mérite de poser un débat d’intérêt général, qui concerne le bon usage
des deniers publics. Dans un Etat de droit, une telle question d’intérêt
national nourrit le débat démocratique et permet aux citoyens d’être
informés sur certains faits de délinquance financière. Actuellement, la
question n’est pas tant de savoir si Ousmane SONKO dispose de toutes les
preuves liées au préjudice évalué à 94 milliards de F CFA, (la question
ne doit pas être exclusivement centrée sur la preuve du décaissement
des 46 milliards de F CFA), mais de vérifier si les faits relatés par
Ousmane SONKO dans le cadre de l’expropriation sont réels (décaissements
illégaux).
6. La responsabilité pénale du délinquant financier Mamour Diallo est établie
Mamour
Diallo est un délinquant financier. Ce n’est pas Ousmane SONKO qui le
dit. Paradoxalement, c’est le résumé du rapport de la Commission
d’enquête parlementaire portant sur les faits relatifs au titre foncier
N°1451/R qui le confirme. En effet, la Résolution N° 01/2019 du 15
février 2019 de ladite Commission reconnaît officiellement l’existence
de décaissements ayant atteint le montant de deux milliards huit cent
quarante-cinq millions huit cent soixante-quinze mille francs CFA (2 845
875 000) avant d’être interrompus, le 30 avril 2018, à la demande du
Receveur des Domaines qui a saisi le Directeur des Domaines (cf page 12
dudit rapport). La page 12 du rapport enfonce Mamour Diallo pour au
moins 2 845 875 000 de F CFA, car si le receveur des Domaines confirme
avoir saisi Mamour Diallo pour l’interruption des décaissements, il n’en
demeure pas moins que le précèdent décaissement de 2 845 875 000 de F
CFA a été effectué parce que Mamour Diallo a apposé sa signature, qui
engage l’Etat du Sénégal. Les faits étant établis et prouvés avec une
certitude absolue pour un décaissement illégal de 2 milliards 845
millions et 875 000 F CFA, il appartient à la justice de poursuivre et
de condamner tous les délinquants et escrocs qui ont participé à cette
transaction illégale, au premier rang desquels, Mamour Diallo. Dans
l’affaire SONKO/MAMOUR, s’il y a un coupable : c’est Mamour Diallo, car
que ce soit 2 845 875 000 de francs CFA ou 94 milliards de F CFA, la
conclusion est la même : un vol est un vol, quel que soit le montant. La
focalisation sur le décaissement des 46 milliards ne doit pas nous
faire oublier qu’environ 3 milliards ont déjà été décaissés indûment. Il
faut savoir raison garder : la demande de levée de l’immunité
parlementaire de SONKO est une démarche classique afin qu’il soit
entendu sur les faits qu’il a porté à la connaissance du public. Ni
plus, ni moins. En juin 2019, la Présidente de L’OFNAC (Office national
de lutte contre la fraude et la corruption), Seynabou N’Diaye DIAKHATE
précisait avoir transmis 17 dossiers au Procureur de la République,
parmi lesquels les affaires « Petro-Tim et COUD ». Au lieu de chercher à
« laver l’honneur d’un délinquant, puisqu’il y a bien un décaissement
confirmé de 2 845 875 000 de Francs CFA », dans une ridicule affaire de
diffamation, la justice sénégalaise sera mieux avisée de faire avancer
ces dossiers de toute première importance et de mettre hors d’état de
nuire, les malfrats du régime, qui se pavanent en toute liberté.
Seybani SOUGOU – E-mail : sougouparis@yahoo.fr