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Sénégal : 53 milliards Fcfa blanchis dans le secteur minier

Le secteur de l’industrie extractive et minière en Afrique de l’Ouest est devenu un haut lieu de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Le phénomène n’épargne pas le Sénégal, qui est épinglé dans le rapport de typologie 2018 du Giaba présenté ce jeudi à Dakar, en marge de la Cinquième Session Annuelle d’information à l’intention des Ambassadeurs des Etats membres de la CEDEAO et des Partenaires au Développement. Au total, 53 milliards Fcfa ont été blanchis dans le secteur minier, selon ledit rapport.

Le Sénégal plaque tournante du blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme liés au secteur de l’industrie extractive et minière. Le qualificatif ne serait pas de trop, si l’on se fie au rapport 2018 sur les typologies du Giaba. Ce rapport fait état d’un cas grave de blanchiment de capitaux dans le secteur de l’exploitation de l’or. En effet, explique-il, Mado (Ndlr : nom d’emprunt) a eu recours à un bureau de change pour blanchir les produits tirés de la corruption dans le secteur minier. Courtier de change agréé, il a ouvert un compte bancaire auprès d’une des banques sénégalaises B1 et a donné une procuration à son fils Papo (Ndlr : nom d’emprunt) exerçant en qualité d’assistant au bureau de change.

En une seule année, le compte professionnel a été crédité d’importants paiements en espèces suivis d’achats de devises (en euros et dollars) pour un montant cumulé de 53 milliards de francs CFA.

Comment les blanchisseurs opèrent

Mado n’a pu fournir la preuve de la revente des devises suite aux achats effectués auprès des banques opérant dans le pays. Il a indiqué qu’il avait retourné les devises à une PPE (personnes politiquement exposées) dénommée Excellence, ce qui a été confirmé grâce au compte bancaire de Mado, révélant les flux financiers entrants par les dépôts de chèques émis par Excellence. La nature des relations paradoxales est basée sur le fait que rien ne semble lier Mado à l’Excellence, la PPE, à un niveau professionnel. L’écart entre le montant des fonds déposés par la PPE (personnes politiquement exposées) Excellence sur le compte de Mado et le niveau de ses revenus légitimes compte tenu de son statut dans le pays est très important.

Enfin, il apparaît que le permis d’exploitation octroyé à Mado en tant que courtier de change a été utilisé pour recycler des fonds pouvant provenir de la corruption, de la réception indue de commissions par une PPE opérant dans ce secteur particulièrement stratégique de l’État.

Selon le rapport, le secteur est lié aux flux financiers illicites résultant de la corruption, du trafic de stupéfiants, de la contrebande d’armes et d’autres méthodes illégales pour générer des fonds illicites. Le secteur a, par le passé, été identifié comme une source majeure de conflits et de troubles et cette tendance, bien que ralentie, persiste toujours le Giaba.

Même si cela n’a pas été suffisamment examiné dans le cadre de l’étude, certains rapports, y compris dans les médias, suggèrent que les groupes du crime organisé, les cellules terroristes et les groupes insurgés tirent partie du produit illicite des mines utilisées dans les zones de conflit.

Les arnaqueurs s’en mêlent

Le secteur est également utilisé à mauvais escient par les arnaqueurs pour escroquer, essentiellement les étrangers. Les minéraux précieux, en particulier l’or et les diamants, sont utilisés pour transférer la valeur, dans la mesure où ils sont aussi liquides et faciles à dissimuler et facilitent également le blanchiment de capitaux dans les opérations commerciales.

Au regard des vulnérabilités et défis susmentionnés, une série de recommandations ont été formulées en vue de relever les défis et gérer les risques sectoriels.

Selon la Giaba, les pays devraient prioriser la mise en oeuvre des normes du GAFI et l’adoption des bonnes pratiques y relatives, notamment : évaluer les risques de BC/FT dans le secteur de l’industrie extractive, c’est-à-dire par la recherche d’une meilleure compréhension des méthodes formelles et informelles d’exploitation minière, des types de minerais extraits ou commercialisés et de la cartographie des chaines logistiques et d’approvisionnement en minéraux ainsi que des acteurs de cette chaine.

Il faudra aussi appliquer les exigences de LBC/FT à une large gamme de marchands de métaux et pierres précieux ainsi que le requière la ligne directrice du GAFI sur l’approche basée sur le risque à l’intention des négociants de métaux et pierres précieux.

La Giaba recommande aussi de désigner des autorités nationales compétentes à l’effet de superviser les négociants de métaux et pierres précieux, sensibiliser les acteurs du secteur et contrôler le respect des exigences de LBC/FT. Mais aussi, étendre les mesures relatives aux passeurs de fonds (R.32) aux pierres et métaux précieux ou mettre en place un autre mécanisme permettant de collecter des informations sur les mouvements transfrontaliers de métaux et de pierres précieux. Il est aussi demandé de refléter les normes de LBC/FT pertinentes dans le Code minier communautaire de l’UEMOA, initier des réformes législatives spécifiques dans le secteur extractif et miner pour tenir compte des obligations de conformité en matière de LBC/FT et d’autres dispositions pertinentes entre autres.

El Hadj Harouna FALL

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