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A Hongkong, la police ouvre le feu contre des manifestants

Des situations tendues virant au chaos ou à l’émeute étaient en cours, lundi 11 novembre, dans plusieurs quartiers de Hongkong, après une soirée et une nuit de désordres sporadiques, impliquant police antiémeute, manifestants et résidents en colère prenant parti souvent pour les manifestants, et plus rarement en soutien à la police.

Depuis la mort d’un étudiant de 22 ans, vendredi matin, certains manifestants ont appelé à la vengeance. Le mouvement a également fait passer le mot d’ordre d’une journée de grève générale lundi. En début d’après-midi, des barrages installés par les manifestants coupaient le trafic à travers tout le territoire, jusqu’à la ville de Tai Po, non loin de la frontière avec la Chine. La police tirait des gaz lacrymogènes à Central, le cœur historique de la finance et des affaires sur l’île de Hongkong.

L’épisode le plus grave pour le moment a eu lieu un peu avant 8 heures du matin, lundi, dans l’est de l’île, dans le quartier populaire de Sai Wan Ho, où les manifestants avaient bloqué plusieurs rues avec des barricades. Il a été retransmis en direct sur la page Facebook d’un média en ligne, Cupid Producer. Après un bref corps-à-corps entre un manifestant vêtu d’un blouson blanc et un policier responsable du trafic, ce dernier a sorti son arme et a tiré à bout portant et à hauteur de la poitrine sur un manifestant en noir qui s’approchait. Deux autres coups de feu ont ensuite été tirés. Un autre manifestant qui s’est approché est alors tombé au sol tout près du premier.

(Attention, les images contenues dans la vidéo ci-dessous peuvent choquer.)

La police antiémeute est vite arrivée en force pour boucler la zone, huée et à nouveau agressée par les témoins outrés et furieux leur jetant toutes sortes de débris et proférant des insultes. Une ambulance a emmené les deux blessés quelques minutes plus tard. Les autorités médicales ont indiqué que l’un des deux blessés, âgé de 21 ans, avait eu le foie et un rein perforé par la balle et qu’il était en soins intensifs postopératoires.

Les règles d’assistance bafouées

Des policiers recueillent des indices sur le site où des manifestants se sont fait tirés dessus par la police antiémeute, à Hongkong, le 11 novembre.

Plusieurs chaînes de télévision couvrent tous les heurts en direct. Sur l’une des vidéos, on voit ainsi un « raptor », surnom donné aux forces antiémeute en tenue kaki, secouant le blessé qui semble totalement inanimé en tentant de l’asseoir, bafouant les règles élémentaires d’assistance à une personne grièvement blessée. Sur la scène des coups de feu, où un témoin a crié à la police : « Vous avez tiré trois coups de feu ! », un policier a répondu : « Trois ce n’est pas assez ! » Il est ensuite incité à se calmer par un collègue, qui semble le tenir à l’écart.

Après des appels à se disperser, la foule récalcitrante a subi des jets de gaz poivre. Un coiffeur du quartier a ouvert ses portes pour aider tous ceux qui avaient été touchés à rincer au plus vite les zones de peau touchées. Parmi les victimes de ces jets très irritants, un homme âgé qui a affirmé à la presse locale être « descendu de chez lui pour acheter du lait ».

Plusieurs vidéos, qui sont devenues virales en quelques minutes lundi matin, illustrent également d’autres abus de la police, ailleurs sur le territoire de Hongkong ; comme à Kwai Fong, où un policier motard a ainsi été filmé en train de rouler délibérément dans un petit groupe de manifestants en fuite. Ces récits s’accumulent et contribuent à polariser la société hongkongaise.

Les journalistes semblent également de plus en plus souvent visés par la police. Un photographe du South China Morning Post a été aspergé de gaz poivre lundi matin et a dû être hospitalisé. Lundi 4 novembre, six journalistes de différents médias locaux avaient protesté en silence au cours de la conférence de presse quotidienne de la police en portant chacun sur leurs casques de protection un caractère chinois – mis bout à bout, ces caractères dénonçaient la brutalité policière contre la presse. La conférence avait été annulée. Une journaliste indonésienne, Veby Indah, a perdu un œil en octobre.

Toutes les universités ont progressivement annoncé lundi matin la suspension des cours pour la journée. Le nouveau site du Lycée français international de Hongkong, à Tseung Kwan Ho, a également fermé ses portes. Les transports publics étaient fortement affectés, certaines lignes de train fermées, après que les rails ont été encombrés de débris ou à la suite d’actes de vandalisme dans les stations de métro. Des affrontements ont également eu lieu à l’université chinoise de Hongkong, à Shatin. A l’université de Hongkong, située sur l’île, la station de métro a été incendiée. Ailleurs des actes de vandalisme en tout genre ont eu lieu, graffitis, barrages, ouverture des lances à eau anti-incendie dans les stations de métro…

Un homme transformée en torche humaine

Dans le quartier de Ma On Shan, à une vingtaine de kilomètres au nord du quartier financier de Central, un homme a été aspergé d’un liquide inflammable et transformé en torche humaine après s’être querellé avec des manifestants prodémocratie. L’agression, d’une violence inouïe, a été filmée et diffusée sur les réseaux sociaux. Sur une vidéo, un homme en noir arrose la victime avec un liquide avant d’y mettre le feu, semant la panique alentours. « L’homme a été hospitalisé dans un état critique », a annoncé la police.

Dimanche, les principaux heurts avaient eu lieu dans le quartier de Mongkok et dans plusieurs centres commerciaux (dont Festival Walk, à Kowloon Tong) et ont fait une quinzaine de blessés et quatre-vingt-huit arrestations.

La dispersion des zones d’affrontement situées à des dizaines de kilomètres les unes des autres montre que même si le nombre de manifestants « durs », surnommés les « braves » au sein du mouvement, est minoritaire, il reste important. L’attitude répressive du gouvernement, dictée par les dernières consignes de Pékin, est encore loin d’avoir l’effet espéré de ramener l’ordre et le calme dans les esprits et dans les rues de Hongkong.

Dans ce contexte, il est de plus en plus probable que les élections de district, prévues le 24 novembre, soient annulées. Elles peuvent techniquement être repoussées de deux semaines, mais certains membres du camp prodémocratie, comme le député Eddie Chu Hoi-dick, arrêté samedi matin près de chez lui, redoutent que le gouvernement, sous la pression de Pékin, opte pour une annulation complète de ce scrutin qui aurait valeur de référendum. Un autre député, Lam Cheuk-ting (Parti démocratique), sous mandat d’arrêt depuis samedi, s’est réfugié dans son bureau au Parlement où la police n’a théoriquement pas le droit de venir le chercher.

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